Carnet de travail sur la scénarisation d'un long métrage.

Une méthode d'écriture : la méthode libertaire.



lundi 31 mai 2010

L'affliction de rester : Éducation sentimentale de Gustave Flaubert


Il me semble que depuis le début nous cherchons à repérer et
à comprendre "l'attirance juvénile et romantique pour la ville". Le personnage de Frédéric, créé par Flaubert, nous offre une belle expression de ce sentiment, mais surtout de son revers ; l'affliction de rester.

France du 19ième siècle.

Après un séjour à Paris, où il tombe profondément amoureux, Frédéric
retourne voir sa mère en campagne, où il apprend qu'il n'aura pas
l'héritage escompté. Cela veut dire qu'il ne pourra pas, comme il
l'avait prévu, s'installer à Paris et y faire carrière. Il devra
rester près de sa mère.

Extrait savoureux

Dans ses idées, l'art, la science et l'amour (les trois faces de Dieu) dépendaient exclusivement de la capitale. Il déclara le soir à sa mère qu'il y retournerait. Mme Moreau fut surprise et indignée. C'était une folie, une absurdité. Il ferait mieux de suivre ses conseils, c'est-à-dire de rester près d'elle, dans une étude. Frédéric haussa les épaules : "Allons donc !" - se trouvant insulté par cette proposition.
Alors, la bonne dame employa une autre méthode. D'une voix tendre et avec de petits sanglots, elle se mit à lui parler de sa solitude, de sa vieillesse, des sacrifices qu'elle avait faits. Maintenant qu'elle était plus malheureuse, il l'abandonnait. Puis, faisant allusion à sa fin prochaine : - Un peu de patience, mon Dieu ! bientôt tu seras libre !
Ces lamentations se répétèrent vingt fois par jour, durant trois mois ; et, en même
temps, les délicatesses du foyer le corrompaient ; il jouissait d'avoir un lit plus mou, des serviettes sans déchirures ; si bien que, lassé, énervé, vaincu enfin par la terrible force de la douceur, Frédéric se laissa conduire chez maître Prouharam.

jeudi 27 mai 2010

Rester par responsabilité politique

Autre variante sur la question "Partir ou rester ?", premier thème cinématographique à être exploré pour l'écriture de notre long métrage. Le vent se lève, un chef d'oeuvre de Ken loach sur la guerre d'indépendance irlandaise des années 20, alimente notre réflexion. Cette tragédie historique et sociale débute avec le dilemme moral du personnage principal. Damien O'Donovan, jeune irlandais dans la vingtaine se prépare à quitter son village natal pour aller vivre la brillante carrière de médecin qui lui est promise. La veille de son départ, les troubles entre Irlandais et militaires anglais s'intensifient ; un ami d'enfance de Damien se fait tuer. L'écoeurement des Irlandais face à la cruauté et la domination anglaise annonce la guerre civile qui va suivre. On accuse Damien de "partir, alors qu'on a besoin de gens instruits comme lui".
Il restera et se battra au côté de "son peuple", abandonnant sa carrière de médecin, plongeant dans l'Action et dans l'absurdité de la guerre, avec ses contradictions et de ses ramifications idéologiques.

mercredi 26 mai 2010

Les toilettes du pape

Melo est une petite ville d'Uruguay à 60 km de la frontière avec le Brésil. À l'occasion de la visite du pape Jean-Paul 2, la population de Melo, aidée par les médias qui font de l'inflation d'information sur la prétendue venue des Brésiliens voisins, se met à espérer d'un grand jour où soudain le petit commerce pourrait les aider à sortir de leur condition. Beto, un père de famille débrouillard et pédaleur, a l'idée que les touristes brésiliens venus pour le Pape pourraient avoir besoin de toilettes pour satisfaire leurs besoins.




Ce qui est touchant dans ce film, c'est l'histoire de la jeune fille de Beto. Dans la petite ville, les horizons de son futur sont bouchés. Elle rêve d'aller étudier en ville, afin de réaliser son rêve : devenir journaliste. Pourtant, elle ne partira pas. La fin du film nous montre une douce résignation, teintée d'un sentiment de compassion qu'elle ressent brusquement envers ses parents. Quand elle comprend à quel point ses parents, miséreux, travaillent fort pour subvenir à ses besoins, elle est touchée. Son désir de partir, elle l'étouffe dans un drap épais, tissé de honte : elle se trouve égoïste de vouloir abandonner ses parents...

Partir ou rester : TULPAN

Le meilleur film vu en 2009. Une mise en scène pleine de petits miracles, dans les magnifiques et poussiéreuses steppes du Kazakhstan.

Après un service militaire dans la marine, le jeune marin Asa retourne à la steppe kazakh où sa soeur et son mari berger mènent une vie nomade. Pour commencer sa nouvelle vie, Asa doit d'abord se marier afin de devenir berger lui-même. Son seul espoir dans la région est une jeune fille prénommée Tulpan, la fille d'une autre famille de berger. Mais le pauvre Asa est déçu quand Tulpan le rejette en pensant que ses oreilles sont trop grandes. Déçu par cet échec, influencé par un ami, il est de plus en plus attiré par la ville ...

Partir ou rester

Après une première séance de travail avec les comédiens (moyenne d'âge : 20 ans), voici les premiers spasmes d'un synopsis encore plein de brouillard.

Un été dans la vie de quelques jeunes personnes. Du temps libre fait de oisiveté et de nonchalance, pendant lequel, parmi plusieurs préoccupations, émerge cette question : faut-il partir ou non de chez soi ?

L'oisiveté comme point de départ, c'est très excitant ; ça renvoie très vite au maître du genre : Tchekhov.

Toutes les pièces de Tchekhov illustrent bien cette citation de Romain Gary, que j'aime beaucoup :
"La véritable tragédie, c'est peut-être quand il ne se passe rien."

dimanche 23 mai 2010

Qu'est-ce que la tradition ?

"De l’ancien monde ne subsistent parfois que bribes et fragments déchargés du poids des certitudes".

Éditorial - La tradition, le maître et la philosophie - Le Magazine Littéraire

mercredi 19 mai 2010

Première rencontre

Demain soir c'est la première rencontre avec les comédiens. Une douzaine de braves jeunes gens ont répondu à l'appel. Je leur expliquerai mon projet et ils auront à décider s'ils embarquent ou pas.

Tout est dans l'équipe, à ce qu'on dit.

Tous les débuts sont gorgés d'espoir.

Robert Bresson :
"Ne pas tourner pour illustrer une thèse, ou pour montrer des hommes et des femmes arrêtés à leur aspect extérieur, mais pour découvrir la matière dont ils sont faits. Atteindre ce "coeur du coeur" qui ne se laisse prendre ni par la poésie, ni par la philosophie, ni par la dramaturgie".
Un chic type, Bresson.