Carnet de travail sur la scénarisation d'un long métrage.

Une méthode d'écriture : la méthode libertaire.



samedi 17 juillet 2010

Ne pas céder à la tentation de la virtuosité narrative, de la "trouvaille" ou de la "pirouette" scénaristique. Si la tentation est trop forte, c'est que nous manquons de foi envers le sentiment ou l'émotion principale du film. Toute panure trahit un vide. Peut-être qu'une histoire ne devrait être préoccupée que de saisir la vérité d'un moment ou d'une émotion.
(Surtout quand il s'agit d'un court métrage.)
Aristote disait qu'il y a trois "moyens essentiels" du tragique ;
1 - La péripétie (ou le retournement)
2 - La reconnaissance (l'énoncé d'une information inconnue jusqu'ici)
3 - L'événement pathétique (action provocant une grande douleur)
Tellement conditionés par la narration télévisuelle, aujourd'hui nous ne savons plus penser qu'en terme de retournements et de surprises.

dimanche 11 juillet 2010

Leçons de fiction - 3


La trilogie de Wajdi Mouawad, présentée à Québec au mois de juin, est composée des pièces Littoral, Incendies et Forêts. Ces trois textes témoignent d’une grande maîtrise des mécanismes dramaturgique. Pour raconter une histoire, Mouawad est un virtuose. Dans chacune de ses pièces, plusieurs histoires s’accumulent en strates et le spectateur doit presque toujours suivre plusieurs générations à la fois. Et dans la plus pure tradition des grandes fresques, la quête initiale du personnage mène à une autre quête, inattendue, beaucoup plus grave et plus grande, parfois collective, des fois spirituelle, toujours reliée à l’identité. Le mot d’ordre : multiplier les intrigues, sans en dénouer une, ou en dénouer une de temps en temps, juste pour ne pas démoraliser le spectateur. Chaque pièce commence d’une belle façon ; on présente une intrigue ; on a pas le temps de dénouer cette intrigue qu’une autre, plus importante, surgit … et puis parfois une autre … et puis une autre. À retenir aussi ; le spectateur aime voir les problèmes s’empiler sur le personnage et l’empêcher de remplir sa quête ; il aime voir une situation qui se complique.

jeudi 8 juillet 2010

Leçons de fiction - 2

Race, de David Mamet

David Mamet est un dramaturge américain qui a écrit de nombreuses pièces de théâtre et de nombreux films. Il a aussi écrit des essais sur le théâtre et le cinéma. Mamet écrit des dialogues de feu. J’ai récemment eu la chance de voir sa dernière pièce, "Race", montée sur Broadway à New York. Voilà une utilisation géniale de la densité narrative et de la superposition des trames. Situation initiale ; les employés d’un bureau d’avocat se demandent s’ils doivent défendre un homme riche et blanc accusé d’avoir violé une jeune femme noire. La première moitié de la pièce est consacrée à ce dilemme, en sein duquel se déploient dans toute leur complexité les thèmes du racisme et de la domination.
Comme pour Good Bye, Lenin!, cette situation initale est progressivement voilée par une autre histoire qui, tranquillement, pousse et finit par occuper tout l’espace émotif. Il s’agit de la relation entre les employés du bureau d’avocat eux-mêmes ; le passé est déterré et les personnages constatent que leur milieu n’est pas exempt de racisme et de domination. Par exemple, si le patron blanc a récemment engagé une jeune secrétaire noire, c’était peut-être en obéissant inconsciemment à un principe de discrimination positive ; et peut-être en garde-t-il un ressentiment qui teinte la façon dont il traite cette employée. Résultat ; une histoire riche et captivante, qui analyse toutes les relations de domination, du viol jusqu'à la relation de bureau, en passant par le sexisme et le racisme. David Mamet nous apprend que la culpabilité sociale et la honte historique sont d’autres facettes de la domination entre les individus.

mercredi 7 juillet 2010

Leçons de fiction. La densité narrative.


J’aime Bernard Émond quand il s’indigne contre le « pareil au même » sécrété par les écoles de cinéma et les formations en scénarisation. J’aime Denys Arcand quand il entame une conférence sur la scénarisation en insistant sur ce point : personne ne sait comment écrire un film, personne ne sait c’est quoi le cinéma. Ceux qui prétendent savoir comment ça marche, ceux-là sont des menteurs. Tous les scénarios que j’aime ont été écrits par des gens qui ne se seraient sûrement pas intéressés à l’écriture si celle-ci obéissait à une recette. Chaque histoire est un nouveau problème qui demande sa propre solution narrative, sa propre structure, sa propre solution formelle. Il faut préserver, dans la scénarisation, la part de recherche, la part de surprise, la part du nouveau et d’inconnu. J’aime encore Émond quand il dit que la meilleure école, c’est de côtoyer et d’étudier les grandes œuvres. Ou du moins : les œuvres que l’on a aimées. Que ce soit en présence de la littérature, du théâtre ou du cinéma, il est toujours bienfaisant de se demander : comment cette histoire fonctionne-t-elle ?
Quelques œuvres de fiction m’ont récemment offert un enseignement précieux et m’ont révéler un élément fondamental de la dramaturgie contemporaine : la densité narrative ou la multiplication des histoires.

Good Bye, Lenin ! de Wolfgang Becker

Le point de départ de ce film est une très bonne idée ; un jeune homme, vivant à Berlin Est, préserve la santé fragile de sa mère en lui cachant un événement historique qui s’est déroulé pendant qu’elle était dans le coma ; la réunification de l’Allemagne. C’est un bon concept, qui ouvre sur une allégorie politique et historique ; mais les bons concepts comme celui-là ne sont pas suffisant pour faire un bon long métrage.

Pourtant Good Bye, Lenin! est un bon long métrage. C’est que dès le début, plusieurs trames narratives évoluent en parallèle et viennent enrichir l’histoire principale ; d’abord l’histoire d’amour du fils, mais surtout le dévoilement mystérieux du passé de la mère, dont le mari l’a quitté. On apprend que c’est elle qui a refusé de suivre son mari à l’ouest et qu’elle a caché les lettres que son mari envoyaient à ses enfants. Ce qui a de particulier avec cette histoire secondaire, c’est que dans la deuxième moitié du film elle finit par prendre toute la place ; les stratagèmes du fils pour masquer la vérité historique à sa mère sont relégués au plan de l’anecdote coquasse. Lentement, le drame familial finit par tisser la véritable émotion du film.

mercredi 16 juin 2010

Présentation des comédiens

Extraits d'une séance de travail et d'exploration sur le gros plan et
le visage. Célébration des jeunes comédiens qui s'investissent dans
le projet. Hommage au talent et aux promesses.

Présentation des comédiens from JFaube on Vimeo.

Robert Bresson

"Les idées tirées de lectures seront toujours des idées de livres.
Aller aux personnes et aux objets directement. "

- Notes sur le cinématographe

lundi 14 juin 2010

Beaudelaire. Le voyage.

Merci à ceux qui nous envoient des commentaires, des réflexions et des suggestions de lecture. Voici un extrait du poème Le voyage de Beaudelaire, qu'on nous a pointé du doigt, avec raison. Partir ou rester ? Peut-être que ça ne change rien.


Amer savoir, celui qu'on tire du voyage !
Le monde, monotone et petit, aujourd'hui,
Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image :
Une oasis d'horreur dans un désert d'ennui !

Faut-il partir ? rester ? Si tu peux rester, reste ;
Pars, s'il le faut. L'un court, et l'autre se tapit
Pour tromper l'ennemi vigilant et funeste,
Le Temps ! Il est, hélas ! des coureurs sans répit,

Comme le Juif errant et comme les apôtres,
À qui rien ne suffit, ni wagon ni vaisseau,
Pour fuir ce rétiaire infâme : il en est d'autres
Qui savent le tuer sans quitter leur berceau.